Burning Britain de Ian Glasper, Chronique Le Scribe du Rock, septembre 2020

PUNK’S NOT DEAD AT ALL ! CHRONIQUE DU LIVRE « BURNING BRITAIN – SECONDE VAGUE DU PUNK BRITANNIQUE » PAR IAN GLASPER – EDITIONS RYTRUT

Le Scribe du Rock, 21 septembre 2020

Depuis toujours tu rêves d’un livre qui s’écoute ? Pour être, selon les moments, des deux côtés de la barrière (côté auteur et côté lecteur) je rêve toujours d’écrire/de lire cet ouvrage magique. Mais si rêver est indispensable (surtout en ce moment, où l’on ne nous fait pas beaucoup rêver) il faut savoir parfois être pragmatique. C’est pourquoi, a défaut d’avoir trouvé la formule magique qui me fasse un jour écrire ce fameux « livre a écouter » j’ai décidé ici-même de parler d’un livre en joignant un maximum de liens d’écoute, profitant des opportunité du web pour transformer cette chronique en plate-forme musicale. Bon, et si nous parlions un peu du livre en question ?

Burning Britain : seconde vague du punk britannique, par Ian Glasper. Editions Rytrut (version française par Frédéric Jalabert, Nico Poisson, David Mourey, Ladzi Galaï)

742 pages de punk rock ! Et pas n’importe lequel ! Le punk qui a fait la vague « punk’s not dead » du tout début des années 80, celle que l’on a aussi baptisée UK82 et qui a donné naissance a ce que l’on allait appeler le « punk hardcore » et ses dérivés comme le crust, le d-beat…

Ian Glasper, citoyen de sa très britannique majesté, a vécu ces années là de l’intérieur, et c’est d’emblée ce qui donne la force de ce livre, son authenticité, sa street credibility !

De quels groupes se rappelle t’on lorsqu’on évoque cette période heureuse ? GBH, The Exploited et Discharge, le trio gagnant dans l’ordre et le désordre…Ian Glasper ne contredit pas ce tiercé évident, mais l’objet de son livre est aussi de mettre en lumière ces groupes de toute la Grande-Bretagne qui ont apporté leur pierre a l’édifice tout en restant plus confidentiels…

Voici la période couverte : 1978 – 1985..

1978 ? Le punk est mort, officiellement. Les Sex Pistols se décomposent aux USA, le Clash se rêve une carrière de rockers de stades (ce qui va advenir), les Damned accumulent les échecs, et les seconds couteaux comme Generation X ont certes marqué quelques esprits, mais n’ont jamais atteint la zone rouge provoquée par les historiques. 1978 c’est la fin d’une période qu’on peut commencer en 1975, au début des Pistols, quand les anglais, sous influence des punks US (Ramones, Patti Smith, Television…) se rêvent en représentant d’un chaos sans nom ni projet réel, beaucoup moins politisé que ce qu’on a pu en dire (ou en tout cas moins ancré dans un projet politique existant, le chaos justifiant aussi bien les svastikas que les A cerclés).

Déjà le post-punk (aussi appelé new wave, et générant bientôt la cold-wave, le rock gothique, le deathrock etc.) prend sa place dans l’histoire et les punks se mettent a la musique froide et synthétique (encore sous influence américaine avec Suicide mais aussi allemande avec Kraftwerk et britannique avec le pape Bowie)

Mais tandis que les critiques chics du London branché décrètent la mort du mouvement, quelques jeunes gens, davantage issus des classes populaires et du lumpenproletariat (enfants putatifs du John Lydon/Rotten irlandais fauché victime du rejet des anglais plus que du fils de diplomate devenu communiste Joe Strummer) lançent au ciel une phrase qui allait devenir un mouvement : « Punk’s Not Dead ! » Non, nous ne sommes pas morts, nous sommes les vrais punks, ceux qui vont VRAIMENT renverser le gouvernement, nous avons la dalle, nous n’avons rien a perdre !

Ils viennent des faubourgs des villes, et des villes les moins côtées, comme Manchester, Liverpool et autres, ils sont des fils et filles de rien du tout, des enfants d’ouvriers déjà chômeurs clairement No Future jusqu’au bout des ongles vernis en noir…

Le punk qui va (re)naître durant cette période est soit marqué par une continuité avec le punk 77 comme Peter and The Test Tube Babies…

Soit dépositaires d’un punk beaucoup plus rapide, plus violent et noir que celui de 77, et régulièrement infecté par des germes venus du heavy metal, comme Discharge…

Le punk « hardcore » est né, et il n’est pas constitué d’une unité musicale plus forte que son grand frère. Si les « têtes d’affiches » Exploited, GBH et Discharge se distinguent par un son de la rue, violent, prolo, hooligan, encore une fois plein d’autres sont davantage dans la lignée rock’n roll saturé que les Pistols et les Ramones avaient engendré.

Ainsi, ce superbe ouvrage de Ian Glasper, agrémenté de nombreuses photos (presque 200) est-il un document indispensable pour mieux comprendre cette vague qui a refusé de succomber, cette bande de prolos déjà convaincus que l’Angleterre allait les hacher menu mais qui ont continué le combat coûte que coûte…Ont-ils perdu la bataille contre le grand capital ? Oui, malheureusement, mais leur musique est toujours là, et qui sait, peut être inspire t’elle déjà de nouvelles révoltes ?

es punks semblent renaître au travers de ce magnifique bouquin, clairement pas loin du graal du « livre qui s’écoute » tant, au fur et a mesure des pages, on entend la bande son de ces combos plus ou moins connus défiler et nous botter l’arrière-train ! Bravo aux éditions Rytrut pour ce superbe travail éditorial et ce livre INDISPENSABLE !

Punk’s Not Dead !

https://www.rytrut.com/burning-britain-seconde-vague-punk-britannique/

 

Burning Britain, Ian Glasper, chronique Pamalach, Horns Up, juin 2017

02/06/17 – Pamalach, Horns Up

Ian Glasper

Burning Britain :

Seconde Vague Punk Britannique

Je ne cesse de le dire sur tous les tons, mais tout un pan de la musique metallique ne serait pas ce qu’elle est devenue si il n’y avait pas eu le Punk Rock. La musique tout autant que l’attitude Punk ont construit l’identité de nombreux tauliers tels que Lemmy, Cronos, Jeff Hanneman ou James Hetfield (pour ne citer qu’eux…) et rayonne encore de nos jours sur les rivages de quantité de groupes extrêmes. Si la première vague des groupes Punk américains et britanniques ont eu un impact énorme sur de nombreux musiciens, la deuxième vague a fait connaître une ribambelle de teigneux aux propos plus radicaux, à la musique plus dure et plus rapide et aux frontières musicales limitrophes du Hardcore, du Thrash, du Crossover voire du Grindcore. Des groupes comme Discharge, The Exploited, Anti Nowhere League, One Way SystemEnglish Dogs ont proposé à cette époque des morceaux violents et expéditifs qui non seulement gardent toute leur force encore aujourd’hui mais témoignent de l’état d’esprit d’une génération en colère, coincée dans un marasme économique et social moribond et une société à bout de souffle. Parfois négligés par rapport aux géants du Punk comme les Sex Pistols ou les Ramones, ces groupes méritent franchement qu’on se penche sur leur musique et leur histoire, ce que fait remarquablement bien « Burning Britain », superbe bouquin incroyablement bien documenté, addictif et hyper intéressant.

Ian Glasper, l’auteur de ce livre, est propriétaire de label, musicien et auteur de livres sur le Punk Rock. Son investissement dans la scène Punk et la connaissance encyclopédique qu’il en possède n’étant plus à prouver, il nous retrace sur quasi 750 pages toute l’histoire de cette scène unique. L’édition dont nous allons parler aujourd’hui est sortie chez Rytrut Editions en 2015, actualisée et augmentée par leur soins (nous avions déjà parlé d’eux pour le livre « Sur la route avec les Ramones »).

Burning Britain se propose donc au travers de la biographie et de l’itinéraire de près d’une centaine de groupes de retracer cette épopée musicale pleine de bruit et de fureur. Le premier tour de force du livre, c’est que l’auteur est arrivé à retrouver et à interroger l’immense majorité des musiciens concernés. Ce n’était pas une mince affaire car tous les combos décrits ici ne sont pas aussi célèbres que Discharge ou GBH, que certains n’ont sorti qu’un 45 tours, et que plusieurs d’entre eux ont arrêté la musique… quand ils n’ont pas purement et simplement disparu de la circulation en décédant ces cons.

Interviews, biographies individuelles et de groupes, photos d’archives, adresse mails, numéros de téléphone, discographies, labels, Burning Britain scrute méthodiquement et avec une masse d’informations absolument démentielle les parcours des groupes essentiels mais aussi confidentiels qui ont façonné cette histoire anarchique, violente et passionnante. C’est là que darde le deuxième tour de force du livre car sous couvert de nous parler de groupes Punk, Ian Glasper nous offre une photographie sociale de ces années sombres, à la fois claire et extrêmement fouillée, bien plus parlante que ne le serait un reportage centré sur le sujet. Burning Britain décortique aussi comment et pourquoi le Punk vit certains courants musicaux et idéologiques émerger et s’affirmer, le mouvement skinhead par exemple étant évoqué à de nombreuses reprises, autant dans ses revendications (très éloignées au départ de ce qu’elles sont devenues par la suite) que dans sa dynamique.

La plupart des musiciens se rejoignent sur le fait que c’est l’ennui et la colère qui ont été les catalyseurs de leur envie de monter un groupe. L’influence de l’environnent allié au développement de cette scène grandissante et excitante ont participé à l’effervescence générale et les darons comme The Clash et The Sex Pistols ont tracé la voie du chemin à arpenter. Bien sur, dans cette Angleterre fracturée et divisée se bastonnent joyeusement les skinheads et les punks et tandis que la Oï, le Street Punk et le Crossover commencent à se dessiner, la violence gangrène le mouvement, gâche de nombreux concerts et finit par stigmatiser de manière indélébile les amateurs de cette musique. Néanmoins, c’est bien cette violence qui est le fil rouge de Burning Britain, les hallucinantes scènes décrites par certains groupes attestant que tous les punks de cette époque ne s’en sont pas sortis en un seul morceau. C’est dans ce chaudron incandescent que se télescopaient affrontements violents et anarchisme libertaire et où fleurissaient autant les bonnes idées que le grand n’importe quoi. Cette envie de pousser les potards le plus loin possible à donné naissance à des chansons uniques qu’il fait bon de (re) découvrir à la lecture de ce livre.

Outre les biographies des groupes et des labels, il est intéressant de voir apparaître des noms de musiciens bien connus de nos contrées. Ainsi, les English Dogs racontent comment ils ont fait la fête avec les jeunes Metallica et comment, malheureusement, ils feraient partie des derniers à s’amuser avec le défunt Cliff Burton qui décèdera quelques jours plus tard (au passage, plusieurs anecdotes renforcent l’idée que Metallica aimait vraiment cette scène Punk, leur intérêt pour elle étant rappelé à plusieurs reprises). De l’Undisputed Attitude de Slayer où l’hallucinante anecdote des Anti Nowhere league sur GNR, Burning Britain est un must have absolu, une pièce maîtresse pour qui veut découvrir ou perfectionner sa connaissance de cette deuxième vague du Punk britannique. Si certains peuvent être tentés de résumer le Punk à quelques formules chocs et quelques idées libertaires, les propos des musiciens et des différents intervenants démontrent que ce courant est tout, sauf monolithique. Ces quelques lignes ne font qu’effleurer une ébauche de la vie de ces punks qui ont tous vécu leur histoire à leur façon et avec leurs ressentis. Anti-Pasti, Cockney Rejects, The Toy Dolls, GBH et tant d’autres ont cisellé leurs riffs dans cette Grande-Bretagne « Tatcherienne » si bien décrite dans ce qu’elle a pu avoir de rigide et mortifère.

J’ai rarement eu entre les mains un livre aussi intéressant et bien documenté sur le Punk, voire la musique en général. Burning Britain est une tuerie que je vous recommande au plus haut point !

Burning Britain, Ian Glasper, chronique Sylvaïn Nicolino, Obsküre Mag, juillet 2016

burning-britain-couvIan Glasper – Burning Britain / Seconde Vague punk britannique

par Sylvaïn Nicolino, Obsküre Mag, 19 juillet 2016

Voici quasiment 750 pages phénoménales sur la seconde vague du punk au Royaume Uni. Phénoménales car voici enfin la traduction de ce livre de Ian Glasper (Flux Of Pink Indians, Thirty Six Strategies…) unique en son genre et paru au départ en 2004. Phénoménales car le contenu a été actualisé en 2013-2014 pour PM Press et pour cette traduction chez Rytrut. Phénoménales car le traitement du sujet n’aurait pu être mieux fait, comme le montre le contenu : biographies individuelles et collectives pour chacun des cent groupes (environ) référencés ici, contacts mails, numéros de téléphones ou adresses (pour dénicher des démos ou des infos), interviews simples ou croisées, discographie complète et sélection du meilleur, présentation des rééditions, photographies inédites issues des collections personnelles et très souvent attribuées aux photographes malgré les années passées, index par patronymes, par groupes, par labels, bonus sur les labels et l’actualité du mouvement punk en Angleterre et ailleurs, liste des sites pertinents…

C’est colossal et pourtant ce pavé bien lourd garde sa fraîcheur du début à la fin et ne provoque pas de lassitude.

Les groupes sont rangés par grande région (est et sud-est / Pays de Galle / Londres…) et à l’intérieur de chacun de ces chapitres, se distingue un classement par affinités musicales et humaines. Pas de hiérarchie par ventes, influence ou longévité. Le parti-pris est bien humain avant tout et c’est pour cette raison que ce bottin n’est pas un abécédaire du punk de 1980 à 1984. Les marqueurs chronologiques sont souvent remis en question avec lucidité, interrogeant un esprit plus qu’un style ou des dates exclusives. Seuls quelques groupes de la mouvance anarcho-punk ont été laissés de côté (mais on en parle) en raison d’un engagement politique bien plus prégnant que leur dimension musicale (et ceci nécessiterait un livre à part).

Lire le livre dans son intégralité prend du temps, et pourtant, ça coule de source et c’est la technique de lecture que je conseille dans un premier temps – avant d’y revenir groupe par groupe, au hasard de ses découvertes musicales.

Lire d’un bloc cette somme donne en effet le tournis et c’est cet étourdissement qui permet d’appréhender enfin ce qu’on a appelé « vague punk ». Alors même que les musiques punk de 1970 à 1990 (globalement) me passionnent depuis bien trente ans, je n’avais jamais saisi à ce point le raz-de-marée que ce courant a représenté dans l’Angleterre des années 80. Je l’avais lu, évidemment ici et là, souvent de façon ironique ou nostalgique. Ici, il n’est pas question de nostalgie, mais d’énergie. On comprend, on voit naître, se densifier un mouvement implacable qui réunit des dizaines de milliers de jeunes gens dans tout le pays, qui les pousse à acheter, emprunter ou voler des instruments pour faire du bruit et gueuler contre tout ce qui les obsède. Dans le moindre patelin, des punks ont vécu et se sont regroupés pour organiser des soirées, enregistrer et presser des disques (et parfois aucun disque !), monter un label, prendre la voiture ensemble, dormir dans des trains à l’arrêt… changer la grisaille en noir bonheur. Les laissés-pour-compte s’assemblaient.

Lorsque Ian Glasper demande à chacun d’eux ce qu’il faudrait retenir de l’histoire de son groupe, ce qui revient le plus souvent, c’est cet apprentissage de l’autonomie, de l’indépendance et l’appropriation d’un rêve et du « fun » qui jusque-là semblaient hors de portée pour des chômeurs réduits à l’ennui et à la colle à sniffer. Chacun dans ce livre (et ils sont une foule, mieux : un peuple !) a grandi par le punk, a découvert ses possibles, a œuvré collectivement et a pris confiance. C’est une leçon impressionnante car derrière ces individus qui auraient dû être brisés, on a une lame de fond irrépressible qui a aggloméré l’une des lignes de résistance à Thatcher (mais pas que…). Cet aspect est primordial car il est le contexte d’une époque qui ne peut s’appréhender pleinement qu’avec cette longue lecture suivie du texte. C’est qu’il fallait cette myriade de petits groupes à côté des GBH, Discharge, Exploited (et aussi Peter And The Test Tube Babies, The Toy Dolls, One Way System, UK Decay, The 4-Skins, Anti-Nowhere League…) pour qu’il y ait un réel mouvement.

La lecture qui picore vient après : très imagée (les anecdotes du pire et du meilleur concert), très critique (chaque sortie est discutée, analysée en terme de sons, d’attitude, d’évolution vis à vis des voisins ou des productions précédentes et aussi en termes de paroles), très professionnelle (on y apprend tout l’intérêt d’une production et d’un mixage par rapport à des démos basiques), elle associe à chaque groupe des sous-genres musicaux, prégnants pour l’époque, même si perméables (et tant mieux !). On saisit pleinement le lien et la fusion entre le punk-rock des années 1976-1980 et le hardcore des origines, on (re)découvre la culture skinhead / oi ! fière de la classe ouvrière, on perçoit le lien entre foot et musique, si subtil et pourtant si essentiel en Angleterre ; on suit l’émergence du thrash-metal et sa collusion avec le punk (les tournées aux USA avec les rencontres Metallica ou S.O.D.) ; on sourit avec ces visuels d’Iron Maiden sur des posters ou des T-shirts.

De ces deux lectures (avant les suivantes, les partages, les échanges avec les copains et copines), tant de choses sont à retenir… Ma critique subjective est moins pertinente qu’une discussion, mais en ce mois de juillet, c’est celle que j’ai sous la main pour vous inciter à acheter et lire à votre tour Burning Britain.

Ce qui m’a marqué dresse une liste de reconnaissances avec ses propres fantasmes sur la scène punk : le jeune âge des membres de Court Martial (entre autres) qui leur interdisait d’entrer dans de nombreuses salles où ils devaient jouer ; ces groupes qui venaient avec leurs instruments et s’incrustaient sur scène, même non annoncés, juste pour jouer ; ces jeunes qui achetaient des guitares sur les catalogues de vente par correspondance de leur mère ; les foules amassées en concert (le 20 décembre 1981 au Queen’s Hall de Leeds ils étaient 10 à 12.000 dans le public pour voir un festival de quinze groupes sur une journée) ou lors de manifestations (la marche du 29 mars 1980 pour protester contre la fermeture du Eric’s Club à Liverpool) qui s’achevaient régulièrement en émeutes ; les groupes parfois ne sortaient qu’un seul 45 tours avant de se séparer mais chacune des faces était assez bonne pour en faire un double face A…

Que retenir vraiment au final, par-delà les petites épopées de chacun des groupes ? Que la force d’un collectif naît des aspirations d’un peuple : ce sont les charts alternatifs anglais, les journalistes Garry Bushell et le grand John Peel avec son émission radio, ce sont les rééditions au poil de Captain Oi ! et Anagram… L’histoire musicale ne s’est pas arrêtée là puisqu’on suit des parcours de musiciens qui jouent ou suivent de près Ministry, Morrissey, Prodigy, Johnny Marr, The The, Fields Of The Nephilim, Primal Scream, Oasis ou And Also The Trees… Les échanges, tout au long de ce livre passionnant, sont vifs, ciblant la quête ou non du succès, la visibilité d’une époque qui tourne vite et où la jeunesse s’envole ou se prolonge, la violence nécessaire, acceptée, goûtée ou rejetée.

Des vies sauvées par le punk.

Burning Britain, Seconde vague du Punk britannique, écrit par Ian Glasper
Traduit par Frédéric Jalabert, Nico Poisson, David Mourey et Ladzi Galaï
Publié chez Rytrut
http://www.rytrut.com

NB : pour les visuels de cet article, j’ai volontairement placé des images non présentes dans le livre ; c’est une façon de montrer que la lecture amène à faire ses propres recherches sur les événements marquants et que d’autres documents sont disponibles pour qui veut prolonger l’expérience.

La photo 1 montre la manifestation contre la fermeture du Eric’s Club.
La photo 2 du punk avec un perfecto peint aux couleurs de Crass a été prise à Leeds en 1981 par Helma Hellinga.
L’image n°3 est un flyer.

Burning Britain, Ian Glasper, Zoop ! Zine, Feuille d’infos, mai 2016

FlyerBokal1Zoop ! Zine, Feuille d’infos, mai 2016

BURNING BRITAIN, Seconde Vague Punk Britannique, Ian Glasper, Editions Rytrut, 742 p.

Construit sous la formes de chapitres personnalisés, ce livre a le mérite de nous présenter enfin une période peu évoquée dans la littérature francophone et pourtant prolifique que fut la deuxième explosion punk du début des années 80. Un nombre conséquent de groupes majeurs et parfois un peu plus confidentiels sont répertoriés par région et par ordre alphabétique, choix peut être arbitraire mais qui donne une cohésion à l’ensemble et nous permet d’appréhender chacun comme on le veut. Moi je l’ai dévoré d’un trait, vu mon intérêt pour la chose, et je dois dire que j’ai beaucoup appris sur ces groupes dont je ne me suis jamais lassé depuis ma toute première découverte avec la mythique compilation d’Anagram, monument du genre : Punk and Disorderly Vol. 2 Further Charges. Le volume un était très difficile à dégoter à l’époque, probablement pour des raisons de distribution, et ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert le troisième, plus anecdotique mais qui reste un document important. Rytrut a fait là encore un super boulot de traduction et la mise en page sobre est très soignée. On appréciera un nombre conséquent de clichés de l’époque assez inédits pour la plupart (peut-être même tous, en tous cas je n’en connaissais pas un seul), et le plaisir est maximal à la lecture des propos des groupes qui s’entendent tous pour conclure qu’ils ne regrettent en rien ce qu’ils ont pu faire et vivre et que cela reste la période la plus épanouissante de leurs vies.

Même les pages sur les très controversés Exploited sont intéressantes et nous livrent une autre image de ce groupe souvent décrié, Wattie faisant preuve d’une lucidité rare chez un personnage difficile à cerner… Le clou ira cependant aux groupes sur lesquels il nous a toujours été si difficile de savoir quoi que ce soit, comme The Straps, The Destructors, Undead, Demob, Screaming Dead, Lunatic Fringe, The Samples, Emergency, Instant Agony, Dead Wretched, The Fits, The Enemy ou les mythiques UK Decay qui sont pour moi les inventeurs du gothique dans sa variante punk (on pourrait dire batcave), ou en tout cas ce qu’il s’est fait de mieux avec Bauhaus, même si ça n’a rien à voir. N’hésitez pas à acquérir cette somme de travail et d’érudition, ça en vaut bien le prix. L’index des groupes cités donne le tournis à lui seul ! Quand je parle de ce livre, je répète toujours la même chose : « Une fois que tu l’as fini, tu peux le recommencer ! » Plus qu’un ouvrage sur l’histoire de la musique, cette bible rend hommage à une génération. Le reste a continué de s’écrire depuis, partout dans le monde.

 

Burning Britain, Ian Glasper, chronique MyRock #38, janvier 2016

MyRMyRock-38-B-ock #38, magazine, janvier 2016

BURNING BRITAIN
Seconde vague punk britannique
IAN GLASPER

PUNK’S NOT DEAD

On connaît plutôt bien la première vague de punk britannique. Mais ce qui s’est passé à partir de 1980 reste un mystère pour la plupart d’entre-nous. Pourtant, d’excellents groupes, comme The Exploited, Discharge ainsi que The Toy Dolls, ont proposé des morceaux dévastateurs, et ont fait la pluie et le beau temps en Grande-Bretagne. On les y retrouve, et tant d’autres, dans cette petite encyclopédie organisée par région. Sans oublier un chapitre consacré aux labels, sans qui rien n’aurait été possible.

Burning Britain, Ian Glasper, chronique Punkulture n°3, 1er semestre 2016

Punkulture 3

Punkulture numéro 3, fanzine, 1er semestre 2016

CHRONIQUES LIVRES : No Future, et après ?

Un beau pavé !

Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir  d’ennui. —  Raoul Vaneigem (1967)

Burning Britain ! C’est évidemment le nom du EP de Chaos UK sorti en 1982. Tout un programme ! Mais maintenant, c’est aussi un livre que viennent de publier les éditions Rytrut. L’auteur, Ian Glasper, un ancien de Flux Of Pink Indians, a sorti ce livre en 2004 en Angleterre parce qu’il aurait aimé le voir dans sa propre bibliothèque une attitude typique punk. Le résultat : une source incontournable de plus de 700 pages, abondamment illustrée de nombreuses photos, que Ian Glasper a en plus mis à jour pour l’édition française et américaine. Et il faut remercier ici l’énorme travail de traduction des éditions Rytrut.

Vous y trouverez plus d’une centaine de groupes qui ont émergé entre les années 80 et 84. Et parmi les plus reconnus, on peut citer : UK Subs, Disorder, GBH, The Business, The Addicts, Vice Squad, Peter and T. T. B., One Way System (en photo de couverture du bouquin pour cette version francophone), et plein d’autres évidemment, dont certains m’étaient totalement inconnus.

L’auteur est allé rencontrer des membres de chaque groupe et de chaque label pour les interviewer et retracer leurs parcours. Le tout donne alors une idée de l’effervescence explosive de ces années. Celles et ceux qui, à la fin des années 70, voulait voir le punk mort ont eu une bien mauvaise surprise : l’esprit Do It Yourself / Do It Ourselves étaient une véritable traînée de poudre dans tout le Royaume-Uni ; avec une multiplication de groupes, de concerts et de zines – dont on méconnaît l’impact de ces derniers, faute de transmission. Un à un, on suit les groupes dans leur évolution musicale, leur différent line-up, et leur reformation passée, ou présente, après plus de 30 ans. Car c’est bien connu : « Lorsque l’esprit du punk rock jette son grappin sur toi, il ne te lâche plus » (Glasper). J’ai particulièrement aimé en apprendre davantage sur Action Pact, UK Decay, Total Chaos, et découvrir qu’un ancien des Destructors jouait dans le groupe Prodigy, très précurseur alors.

C’est entre autre contre l’ennui que la spontanéité ravageuse et la sauvagerie juvénile battait son plein. Et on la mesure bien grâce à ce livre. On voit qu’il en fallait de la détermination et de la ruse pour accéder aux instruments et aux studios. On voit comment le fait d’être punk n’était pas de tout repos, qu’il fallait affronter une hostilité violente et dangereuse ; plusieurs membres de groupes témoignent des agressions subies et des guerres de territoires désolantes. On voit aussi comment les parents ont pu soutenir la démarche de leurs ados ; comment, par exemple, c’est la mère du batteur de The Insane qui prit le téléphone pour faire passer une audition à son fils, pour qu’il joue dans Discharge. Le livre regorge d’anecdotes de ce style, plus étonnantes les unes que les autres ; parfois marrantes – comme par exemple celle du canular qu’a été la création du groupe Chaotic Dischord – mais aussi parfois très pathétiques – comme celle où un gars interpelle le chanteur des Exploited sur l’orientation plus métal que punk qu’il obtient comme réponse un coup de boule, avec : « Et ça, c’est assez punk pour toi ? »… hmmm… pas vraiment constructif.

Le travail de Ian Glasper est bien plus qu’un recueil de souvenirs sur quelques années folles et glorieuses. Au contraire. Tout en montrant la créativité de la sous-culture punk, on y voit très rapidement ses limites. Son livre peut alors nous servir, aujourd’hui, telle une leçon pour éviter les erreurs et dérapages passés. Il s’agit d’appliquer un des enseignements du vieux barbu : « Celui qui ne connaît pas lhistoire est condamné à la revivre ». C’est en tous les cas en ce sens que j’aimerai que son livre soit aussi lu : comme un outil pour améliorer ce que nous faisons.

DEe sorte que dans le livre, la quantité écrasante de groupes de mecs, mâles bands, devrait aujourd’hui nous interpeller sur le machisme décomplexé qui sévit toujours dans la scène. On retiendra en particulier cette remarque de la chanteuse des Expelled pour expliquer son départ du groupe : « Marre (…) de tolérer autant de tripotages ». On retiendra aussi comment la dope à gangrené et détruit des dynamiques, des groupes et des personnes, avec son lot d’embrouilles et de décès. On retiendra comment une violence stérile aura sapé des initiatives d’émancipation. Comment le poids des majors et des médias en vogue ont cherché à faire de cet art brut qu’est le punk un produit aseptisé, commercial et totalement dénué de révoltes. Comment la créativité a été étouffé par un copiage-clonage des groupes propulsés sur le devant de la scène. Et enfin, comment la politique de l’apolitisme a offert une vitrine pour l’extrême droite.

En gros, s’il y a un livre sur le mouvement punk a acheter cette année, c’est bien Burning Britain – seconde vague punk britannique. Et on attend avec grande impatience la traduction du second livre de Ian Glasper, The Day The Country Died, qui lui, témoigne sur la contre-culture anarcho-punk. Rytrut a du pain sur la planche. Et il n’y a pas à tergiverser : pour que de tel bouquin existe, achetez déjà celui-là !

Lien pour un achat en ligne : http://www.rytrut.com/