La Philosophie du Punk, Craig O’Hara, chronique Sylvain Nicolino, La Femelle du Requin

LA PHILOSOPHIE DU PUNK
– Histoire d’une révolte culturelle –
CRAIG O’HARA

Sylvain Nicolino, LA FEMELLE DU REQUIN, magazine
OBSKURE.com, ZICAZIC.com

« Enfin, un bouquin essentiel de plus à acheter ! Cet ouvrage, qui vient d’être édité pour la première fois dans sa version française, se révèle tout simplement indispensable. Craig O’Hara est un activiste de premier ordre de la scène punk.

En 1992, il écrivit et publia une première version de ce livre. Succès. Réimpression. Re-succès. 6000 exemplaires étaient partis. Deuxième édition : 5000 exemplaires. Les années passent, on en est maintenant à la quatrième édition et le livre a même été publié en Lituanie. De quoi s’agit-il ? L’auteur cherche, loin des modes musicales et vestimentaires, à revenir aux sources de ce que fut le mouvement punk à sa naissance : un fait social. Etre punk, c’est tout simplement être libre, libre de décider par soi-même et aider les autres à s’émanciper afin qu’ils puissent devenir ce qu’ils souhaitent être. Les différents chapitres du livre sont des thématiques qui permettent, en changeant systématiquement d’angle d’approche, de préciser progressivement, furtivement, ce qu’est l’attitude punk, bien plus que du bruit, une révolte culturelle. Ainsi, le chapitre sur la récupération médiatique du mouvement évoque les problèmes inhérents à notre société de consommation, notamment sa capacité incroyable d’assimilation des courants subversifs. Une aide précieuse pour distinguer l’essentiel de l’esprit punk, loin des slogans, des visuels ou des sons : il suffit de se livrer à l’analyse de la teneur des messages véhiculés par ceux qui se réclament du mouvement. Un autre chapitre dresse le bilan de l’activité interne de communication, fanzine en premier lieu (dont l’incontournable Maximum RocknRoll http://www.maximumrocknroll.com/ ).

Plus loin les thèmes d’homosexualité, de sexisme ou d’écologie seront abordés, toujours avec sérieux. Un superbe rappel sur l’anarchisme, ludique et clair, expose les méthodes d’action employées, du pacifisme au radicalisme, sans pour autant dénigrer l’une ou l’autre, mais au contraire, en les replaçant dans des contextes précis et historiques. Le lecteur se laisse agréablement convaincre du rôle social et politique (au vrai sens du terme) de la philosophie de vie que peut être le punk. Le chapitre sur le DIY (do it yourself), enfin, achève de donner un gros coup de pied au cul à tous ceux qui ne font rien d’autre qu’acheter des disques et sortir en concert alors qu’il est si simple d’œuvrer pour le bien de tous et son propre bien-être en premier lieu. Bref, loin d’être un prêchi-prêcha qui séparerait les bons punks des mauvais punks, cet essai tend une perche entre les différents activistes de la scène, qu’elle soit punk, hard-core ou metal. Avec Get in the Van (la biographie d’Henry Rollins), ce livre rejoint dans ma bibliothèque les ouvrages qui rendent la vie joyeuse. La philosophie du punk est donc mieux qu’un facile panorama des groupes de 1976 à nos jours : c’est un hommage à tous les acteurs de la transformation du quotidien, qui, en plus, évite l’écueil du star-system. En effet, il est souvent rappelé que chaque individu compte autant que son voisin par ce qu’il fait et propose. Face à tant de réussite, je laisse tomber mes reproches sur l’aspect brouillon du chapitre dénonçant les méfaits du racisme skinhead ou ceux sur l’iconographie qui me semble peu adaptée au propos (d’autant plus que les collages, réussis, méritent à eux seuls le détour). Je préfère souligner le travail de Ladzi GalaÏ qui apporte sa touche personnelle par une traduction jusqu’au-boutiste : il a été jusqu’à indiquer en note de bas de page les significations des noms des groupes. Le traducteur met également en œuvre le propos de l’ouvrage en écrivant sa propre préface et sa postface. L’éditeur Rytrut, lui, imprime un livre ne contenant que peu de coquilles, bien mis en pages et dont la reliure supportera aisément les multiples lectures qu’occasionnera cet objet.

Bref, La Philosophie du Punk est un ouvrage salutaire ! »