La Philosophie du Punk, Craig O’Hara, chronique Pamalach, Horns Up 14 sept. 2017

HORNS UP

14/09/17 – Pamalach

Craig O’Hara

La philosophie du Punk :

Histoire d’une révolte culturelle

Aujourd’hui, le mot « Punk » est tellement chargé de sens et de représentations diverses qu’il peut prendre un tour fort différent selon la personne à qui l’on s’adresse. Au départ simple et féroce décharge musicale carthatique aux fortes revendications sociales, le Punk Rock a donné vie à un nombre important de rejetons stylistiques tout autant qu’il a su faire émerger un véritable courant social et culturel.

De l’accoutrement vestimentaire aux idéaux politiques et des slogans fédérateurs aux modes de vie alternatifs, le Punk a fait germer dans la tête de ceux qui l’aimaient des réflexions profondes dont les répercussions sont encore vivantes aujourd’hui près de 40 ans après sa naissance.

Des bas-fonds new-yorkais jusqu’au moribondes cités anglaises de la fin des années 70, le Punk Rock a trouvé son terreau dans l’ennui, le désenchantement et la colère. De nombreux acteurs des débuts de cette scène relatent ce sentiment de désespoir qui les a poussé à transformer leur colère en expression artistique et qui les a amené sur des chemins aussi divers que le DIY, l’anarchisme, l’écologie ou le Straight Edge, creusant ainsi le sillon d’idées politiques ancrées dans leur époque. »La philosophie du Punk : Histoire d’une révolte culturelle » propose donc sur 230 pages d’apporter un éclairage sur le ciment qui façonne ce mouvement depuis plus de quatre décennies de façon claire, concise et pour tout dire, absolument brillante.

Avant d’en arriver au cœur du bouquin, un petit mot sur son auteur. Craig O’Hara est le co-fondateur de PM Press, maison d’édition d’Oakland existant depuis 2007 et qui propose des ouvrages musicaux plutôt orientés Punk et des livres politiques orientés extrême gauche. Grand connaisseur du mouvement Punk, il s’est concentré sur le développement de la non conformité et de l’individualisme positif au sein de ce mouvement et en a donc fait un petit condensé sur les idées les plus fondatrices et fécondes qui en sont ressorties.

Initialement, son mémoire datait de 1993 et la première édition papier de 2003 (l’édition française de Rytrut y ajoute un avant-propos du traducteur Ladzi Galai, actif dans la scène underground depuis 1982, ainsi qu’un supplément sur la scène hexagonale, et une trentaine de photos en plus). Si de l’eau a coulé sous les ponts depuis la première édition, il est étonnant de constater que le livre reste très actuel et que bon nombre des idées qu’il développe continuent d’exister et d’animer nos sociétés contemporaines. Aujourd’hui, l’image du Punk à crête jaune, alcoolisé et chancelant sur la voie publique reste exceptionnelle et si les apparats caricaturaux ont disparu, les idées contestataires du Punk sont elles, encore bien présentes. D’où vient ce lien entre punks et squats ? Le DIY ? L’écologie militante ? Les fanzines ? le Straight Edge ? Les skinheads ? L’anarchie ? Toutes ces questions dont on ne possède pas toujours les réponses précises sont ici traitées avec efficacité et éloquence, le caractère simple et concis du propos rendant la lecture très agréable. En reprenant à chaque fois les éléments historiques qui ont amené le Punk a se rapprocher de certains courants idéologiques, O’Hara met le projecteur sur les groupes et musiciens qui en ont défendu les idées et dans quel contexte social ces dernières ont émergé. Des groupes connus pour leur engagement sans faille dans certaines idées politiques aux combos moins notoires qui ont néanmoins été d’une importance déterminante dans certains courants, « La philosophie du Punk » ne fait aucune économie d’éclairage et de recherche, l’auteur ne mâchant pas ses mots dès lors qu il s’agit de remettre en perspective l’honnêteté des groupes et de certains artistes. Agrémenté de photos, de citations de musiciens et de références littéraires, le livre argumente son avis d’exemples étayés offrant ainsi des pistes de réflexion et de recherche au lecteur. Pourvu d’un style fluide, le ton est simple et direct, rappelant du coup qu’une partie de la musique que l’on aime s’est construite sur l’énergie et l’urgence. De la génèse du mouvement jusqu’au Punk 2.0, le livre met quelques coups de canif aux idées reçues et rapelle que si le mouvement a toujours été contestataire, il a aussi été force de proposition. Gueuler c’est bien… proposer une alternative, c’est pas mal aussi.

Une fois la lecture de « La philosophie du Punk » terminée, on se dit que si le Punk n’a plus la vigueur créatrice des années 80 (tout comme le Metal d’ailleurs…) ses idées se sont au moins fondues dans un grand nombre de courants sociaux et musicaux. Le non conformisme, la radicalité, le catapultage foutraque d’idées aussi saugrenues qu’antagonistes, la provocation ou le DIY, ces ingrédients sont encore utilisés par de nombreux artistes, qu’ils soient héritiers du Punk ou pas. Concis tout en restant efficace, ce petit bouquin vous offrira des moments de lecture aussi agréables qu’inattendus, la lumière qu’il pose sur plusieurs sujets se révélant particulièrement instructive.