Sur la Route avec les Ramones, Monte A. Melnick + Frank Meyer, chronique T.Skidz, New Noise #15, mars/avril 2013

SUR LA ROUTE AVEC LES RAMONES
Monte A Melnick + Frank Meyer

NEW NOISE #15, par T.Skidz, mars/avril 2013

New-Noise-15MONTE A MELNICK / FRANK MEYER

Sur La Route Avec Les Ramones

(RYTRUT)

« Partir en tournée, c’est comme partir en grandes vacances et en même temps commencer un boulot interminable. Vous allez voyager et voir le monde, mais uniquement de derrière les fenêtres teintées d’un van ou d’un bus. Vous avez l’occasion de rencontrer des personnes intéressantes et d’aller dans des endroits fascinants, mais vous êtes toujours sur le départ et ne pouvez jamais respirer un grand coup et vous détendre. Johnny voyait cela comme un mal nécessaire pour vendre des disques et pour faire carrière, alors que pour le reste du groupe, c’était comme une fête sans fin. Concernant Monte, c’était purement et simplement un travail. Il avait un boulot à faire et ce dans les circonstances les plus inhabituelles, entourés d’abrutis, de cinglés et de voyous colériques. Tous les aspects de la route doivent être étudiés à l’avance, si vous ne voulez pas vous retrouver dans une ville improbable sans matériel ni l’équipe dont vous avez besoin pour que le concert ait lieu. En commençant par se faire payer à la signature des contrats, jusqu’à se soucier que l’équipe et le groupe soient nourris et bien en route pour leur destination, chaque aspect de la production reposait sur les épaules de Monte. »

De 1974 à 1996, les Ramones auront assuré 2263 concerts, passé un temps invraisemblable sur la route pour gagner leur croûte parce qu’aussi incroyable soit-il vu leur statut légendaire acquis par delà leur mort, ils n’ont jamais vendus assez de disques pour pouvoir en vivre décemment, la faute aux radios, à MTV, à leurs labels, à la lose, aux Pistols (l’étiquette punk leur a plutôt fermé des portes vu la réputation de dégénérés vomissant partout que les punks associés aux Pistols se coltinaient aux US), aux sourds et aux imbéciles qui ne leur ont accordés aucun golden hits de leur vivant, alors que leur discographie recèle des dizaines de mégatubes en or massif, plus que les Beatles et les Stones réunis.

Cette endurance qui force le respect est bien sûr le fruit d’une singulière complémentarité entre les différents membres du groupe associant les talents de compositeurs prolifiques de Joey et surtout Dee Dee (qui continuait de leur écrire d’excellentes chansons même après avoir quitté le groupe) à la sagesse de l’ombre de Tommy, le visionnaire qui a pensé les Ramones avant de créer leur son, poussés au cul par l’esprit particulièrement opiniâtre de Johnny le badass (« On avait l’habitude de les appeler les Marones car Johnny était tel un sergent instructeur » dixit Cheetah Chrome des Dead Boys): « Johnny était un super dur à cuire, mais ils n’auraient jamais été en tournée pendant 22 ans s’il n’avait pas exactement été comme il était. Ils n’auraient probablement même pas été un groupe s’il n’avait pas pris le contrôle. » (Howie Pyro, D-Generation).

Sans oublier les remplacements en cours de route (Marky et Richie à la batterie, CJ à la basse), cette longévité de rockeurs-marathoniens est également à mettre sur le compte de Monte Melnick, le cinquième Ramone, qui pendant une bonne partie de sa vie les aura trimbalés aux quatre coins de la planète tout en tenant le rôle de gentil organisateur, baby-sitter, psychologue (« Le pompiste s’est tourné vers moi et m’a dit : « C’est sympa de vous occuper de ces attardés. » J’étais mort de rire. Le groupe était insouciant. »), intermédiaire-traducteur quand Joey et Johnny  ne se parlaient plus du tout après le fameux épisode « The KKK Took My Baby Away », en restant évidemment l’ami indéfectible et le souffre-douleur indispensable (« La saga des Ramones peut être résumée par le stress et les rides sur le visage de Monte. »).

Découpé en seize chapitres chronologiques et thématiques (dont les éclairages fort instructifs sur la jeunesse de nos cinq héros principaux), bourrés de documents divers et variés (photos, dessins, flyers, affiches, riders, système de classification des hôtels…)  et présenté comme une conversation à bâtons rompus entre Monte, la famille Ramones et une foule d’intervenants (musiciens, potes, roadies, les membres du management, ex-girlfriends et futures veuves…), ce livre passionnant, certainement  le meilleur paru sur l’épopée des Ouvriers Spécialisés du Punk-Rock les plus tenaces et les plus emblématiques de l’histoire de la musique, nous raconte donc autant l’histoire des faux frères que celle de leur inamovible et courageux tour manager, explorant brillamment les multiples facettes de chacun des protagonistes, sans complaisance mais lucidité, démystifiant avec affection leur image intemporelle de héros de comic-book pour légitimement leur rendre leur statut d’êtres humains, trop humains.

T.SKIDZ