Burning Britain, Ian Glasper, chronique Pamalach, Horns Up, juin 2017

02/06/17 – Pamalach, Horns Up

Ian Glasper

Burning Britain :

Seconde Vague Punk Britannique

Je ne cesse de le dire sur tous les tons, mais tout un pan de la musique metallique ne serait pas ce qu’elle est devenue si il n’y avait pas eu le Punk Rock. La musique tout autant que l’attitude Punk ont construit l’identité de nombreux tauliers tels que Lemmy, Cronos, Jeff Hanneman ou James Hetfield (pour ne citer qu’eux…) et rayonne encore de nos jours sur les rivages de quantité de groupes extrêmes. Si la première vague des groupes Punk américains et britanniques ont eu un impact énorme sur de nombreux musiciens, la deuxième vague a fait connaître une ribambelle de teigneux aux propos plus radicaux, à la musique plus dure et plus rapide et aux frontières musicales limitrophes du Hardcore, du Thrash, du Crossover voire du Grindcore. Des groupes comme Discharge, The Exploited, Anti Nowhere League, One Way SystemEnglish Dogs ont proposé à cette époque des morceaux violents et expéditifs qui non seulement gardent toute leur force encore aujourd’hui mais témoignent de l’état d’esprit d’une génération en colère, coincée dans un marasme économique et social moribond et une société à bout de souffle. Parfois négligés par rapport aux géants du Punk comme les Sex Pistols ou les Ramones, ces groupes méritent franchement qu’on se penche sur leur musique et leur histoire, ce que fait remarquablement bien « Burning Britain », superbe bouquin incroyablement bien documenté, addictif et hyper intéressant.

Ian Glasper, l’auteur de ce livre, est propriétaire de label, musicien et auteur de livres sur le Punk Rock. Son investissement dans la scène Punk et la connaissance encyclopédique qu’il en possède n’étant plus à prouver, il nous retrace sur quasi 750 pages toute l’histoire de cette scène unique. L’édition dont nous allons parler aujourd’hui est sortie chez Rytrut Editions en 2015, actualisée et augmentée par leur soins (nous avions déjà parlé d’eux pour le livre « Sur la route avec les Ramones »).

Burning Britain se propose donc au travers de la biographie et de l’itinéraire de près d’une centaine de groupes de retracer cette épopée musicale pleine de bruit et de fureur. Le premier tour de force du livre, c’est que l’auteur est arrivé à retrouver et à interroger l’immense majorité des musiciens concernés. Ce n’était pas une mince affaire car tous les combos décrits ici ne sont pas aussi célèbres que Discharge ou GBH, que certains n’ont sorti qu’un 45 tours, et que plusieurs d’entre eux ont arrêté la musique… quand ils n’ont pas purement et simplement disparu de la circulation en décédant ces cons.

Interviews, biographies individuelles et de groupes, photos d’archives, adresse mails, numéros de téléphone, discographies, labels, Burning Britain scrute méthodiquement et avec une masse d’informations absolument démentielle les parcours des groupes essentiels mais aussi confidentiels qui ont façonné cette histoire anarchique, violente et passionnante. C’est là que darde le deuxième tour de force du livre car sous couvert de nous parler de groupes Punk, Ian Glasper nous offre une photographie sociale de ces années sombres, à la fois claire et extrêmement fouillée, bien plus parlante que ne le serait un reportage centré sur le sujet. Burning Britain décortique aussi comment et pourquoi le Punk vit certains courants musicaux et idéologiques émerger et s’affirmer, le mouvement skinhead par exemple étant évoqué à de nombreuses reprises, autant dans ses revendications (très éloignées au départ de ce qu’elles sont devenues par la suite) que dans sa dynamique.

La plupart des musiciens se rejoignent sur le fait que c’est l’ennui et la colère qui ont été les catalyseurs de leur envie de monter un groupe. L’influence de l’environnent allié au développement de cette scène grandissante et excitante ont participé à l’effervescence générale et les darons comme The Clash et The Sex Pistols ont tracé la voie du chemin à arpenter. Bien sur, dans cette Angleterre fracturée et divisée se bastonnent joyeusement les skinheads et les punks et tandis que la Oï, le Street Punk et le Crossover commencent à se dessiner, la violence gangrène le mouvement, gâche de nombreux concerts et finit par stigmatiser de manière indélébile les amateurs de cette musique. Néanmoins, c’est bien cette violence qui est le fil rouge de Burning Britain, les hallucinantes scènes décrites par certains groupes attestant que tous les punks de cette époque ne s’en sont pas sortis en un seul morceau. C’est dans ce chaudron incandescent que se télescopaient affrontements violents et anarchisme libertaire et où fleurissaient autant les bonnes idées que le grand n’importe quoi. Cette envie de pousser les potards le plus loin possible à donné naissance à des chansons uniques qu’il fait bon de (re) découvrir à la lecture de ce livre.

Outre les biographies des groupes et des labels, il est intéressant de voir apparaître des noms de musiciens bien connus de nos contrées. Ainsi, les English Dogs racontent comment ils ont fait la fête avec les jeunes Metallica et comment, malheureusement, ils feraient partie des derniers à s’amuser avec le défunt Cliff Burton qui décèdera quelques jours plus tard (au passage, plusieurs anecdotes renforcent l’idée que Metallica aimait vraiment cette scène Punk, leur intérêt pour elle étant rappelé à plusieurs reprises). De l’Undisputed Attitude de Slayer où l’hallucinante anecdote des Anti Nowhere league sur GNR, Burning Britain est un must have absolu, une pièce maîtresse pour qui veut découvrir ou perfectionner sa connaissance de cette deuxième vague du Punk britannique. Si certains peuvent être tentés de résumer le Punk à quelques formules chocs et quelques idées libertaires, les propos des musiciens et des différents intervenants démontrent que ce courant est tout, sauf monolithique. Ces quelques lignes ne font qu’effleurer une ébauche de la vie de ces punks qui ont tous vécu leur histoire à leur façon et avec leurs ressentis. Anti-Pasti, Cockney Rejects, The Toy Dolls, GBH et tant d’autres ont cisellé leurs riffs dans cette Grande-Bretagne « Tatcherienne » si bien décrite dans ce qu’elle a pu avoir de rigide et mortifère.

J’ai rarement eu entre les mains un livre aussi intéressant et bien documenté sur le Punk, voire la musique en général. Burning Britain est une tuerie que je vous recommande au plus haut point !