Going Underground, punk américain 1979-1992, George Hurchalla, chronique Slim Buen SLIME zine n°2 mai 2010

GOING UNDERGROUND – punk américain 1979-1992
GEORGE HURCHALLA

Slime-Zine-no.2par Slim Buen, SLIME zine n°2, mai 2010

Going Underground, George Hurchalla, Rytrut éditions, 2009

Un livre comme celui là, en français, manquait terriblement. Les anglophones avaient de quoi se régaler puisque entre Our Band Could Be Your Life, American Hardcore ou encore un abonnement à Maximum Rock’n’Roll, aucune fuite n’était possible ! Mais pour les pauvres « franchouilles » dans mon genre, fainéants dès qu’il faut sortir un dictionnaire français-anglais, il fallait un éditeur qui mâche le travail pour que le texte tombe tout cuit dans la bouche ! C’est chose faite avec Going Underground, et son impressionnant contenu.

Comme on peut souvent le constater, un bon livre étranger est d’abord synonyme de bonne traduction et adaptation. Le travail de George Hurchalla est une monstruosité d’informations, de récits personnels, de témoignages divers et de photos ayant nécessité six années de dure labeur ! Pas simple de faire tenir tout ça dans le même panier ! Pourtant le résultat est cohérent, logique et terriblement captivant. La preuve que l’alliance auteur/éditeur fonctionne parfaitement quand les deux parties sont animées par la même passion, le même intérêt de diffusion et d’échange. Hormis les inconditionnels du punk/hardcore pour qui la majorité des groupes et personnalités cités n’ont pas de secrets, la prise de notes devient indispensable si vous voulez jeter une oreille à tous ces combos originaires des quatre coins des États-Unis voir même de Grande Bretagne ou d’Australie. George Hurchalla était un accro des concerts, un collecteur de disques (il a même été DJ), pour qui le punk n’était pas qu’un mot mais « une façon de vivre » en préservant toujours cette innocence et cette liberté par rapport aux différents courants émergents. Il met le doigt sur les problématiques et les divergences qu’ont pu rencontrer les groupes venant de scènes différentes au fil des années. Cet aspect critique est indispensable, s’il veut garder une certaine crédibilité. Un ensemencement systématique est tout sauf bénéfique. Sans aucune démagogie mais avec une foi de Jésuite, il nous emmène dans son aventure punk sans jamais fermer les portes derrière lui, mais attention, ce n’est pas un nostalgique, pour lui ce qui s’est passé à cette période, dans ce contexte « reganien », est propre et unique à la décennie.

Son choix de débuter en 79 peut paraître étrange mais s’avère, après explications, très logique puisqu’il considère que le punk de la première période (76-79) bénéficie d’une bibliographie déjà bien fournie et que la « nouvelle ère » si on peut la qualifier comme ça, marque la fin de l’intérêt porté par les médias sur ce mouvement et également la naissance d’une scène plus radicale, axée sur le DIY et l’apparition de groupes dits « Hardcore ». Le voyage fait escale évidement dans les villes phares du mouvement, ayant adopté leur propre style, leur propre scène (L.A, New York, Washington D.C, Boston, Chicago, Portland, San Francisco…) mais aussi les états moins éclairés mais pourtant actifs comme la Floride par exemple. Hurchalla met en évidence ce qui a fait les particularités de chacune d’entre elles, et des groupes qui en ressortent.

Ils consacrent de nombreuses lignes aux grosses pointures du style comme Bad Brains, Minor Threat, Hüsker Dü, Dead Kennedys, TSOL, DOA, Germs mais aussi à des combos moins populaires mais tout aussi mythiques ou alors simplement obscurs : Nihilistics, Crucifix, The Nuns, Zero Boys, Antidote, JFA, Big Boys, Angry Samoans, The Effigies, Dickies, Crime, The Furys tout ça grâce aux nombreux entretiens menés avec les musiciens, les activistes de l’époque et des informations collectées méticuleusement. Sa vison est simple, le punk c’est jouer ce que tu as envie de jouer, t’habiller comme toi tu as envie de t’habiller et ne pas attendre qu’on fasse le boulot à ta place. Cette liberté de ton lui permet de rester critique aussi bien envers les différentes « chapelles » du punk qu’envers « l’establishment » comme il le nomme incarné entre autre par MTV, sans leçon superflue, considérant l’uniformisation aussi néfaste dans un sens comme dans l’autre. On retrouve à la fin un chapitre consacré aux films liés à la période, avec quelques classiques à voir ou revoir… « hey Baby, I’m a repo man! »

S.B.

Going Underground, punk américain 1979-1992, George Hurchalla, chronique Patrick Scarzello SUD-OUEST novembre 2009

GOING UNDERGROUND – punk américain 1979-1992
GEORGE HURCHALLA

Quotidien SUD-OUEST
20.09.2009, par Patrick Scarzello,

GoingScarzello.jpeg Punk et hardcore US, adrénaline-story…

Cette anthologie grand format, truffée de clichés rares, ressemble à un livre d’histoires rock. La période du punk américain 1979-1992 s’attache à ce qui reste nommé hardcore ; style plus rapide et plus dur. Durant toute la décennie 80, la forme polymorphe devint un mouvement underground influent. Il charria les débuts des pop Go Go’s, comme tous les Dead Kennedys, Bad Brain (photo), Hüsker Dü et autres figures devenues des références : Sonic Youth, No Means No, Rollins, Albini, Mac Kaye. Bourrée d’anecdotes inédites, d’analyses passionnées et jutes sur l’évolution des scènes, fanzines et labels, cette somme fait se croiser Gun Club, Beastie Boys époque hardcore, Burroughs et fiers inconnus, tel Crucifucks. Énorme volume, dans tous les bons sens du terme.

Going Underground, punk américain 1979-1992, George Hurchalla, chronique Cap’tain Planet, Vacarm.net, novembre 2009

GOING UNDERGROUND – punk américain 1979-1992
GEORGE HURCHALLA

par Cap’tain Planet, Vacarm.net, webzine

De nombreux auteurs se sont attachés à décrire le mouvement punk avec plus ou moins de succès. Œuvre de George Hurchalla, traduite en français, Going Underground est une invitation au voyage musical en plein milieu de la scène alternative américaine des années 1979 à 1992. Au travers du regard de cet auteur qui se revendique comme punk, nous découvrons le monde du punk rock, de ses pratiques, de ses lieux plus ou moins mythiques et de ses acteurs cachés. Les éditions Rytrut, indépendantes et en plein cœur de la scène alternative française, nous livrent un nouvel ouvrage particulièrement pointu après La Philosophie du Punk de Craig O’Hara.

Des seventies à aujourd’hui, le punk rock n’a jamais cessé d’exister. Il suffit de voir avec quelle facilité certains artistes réussissent à s’épanouir commercialement, remplissant stades et salles de concerts de plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Culture de jeunes rebelles ou expression populaire avant-gardiste, le punk est un mouvement aux contours flous dont les plus vivants acteurs sont souvent récupérés par la machine commerciale. « L’underground », véritable archétype inséparable de ce mouvement, est le moteur de la révolution culturelle des années 70 et se présente encore aujourd’hui comme l’objet d’une recherche continue des marginaux, jeunes ou vétérans. C’est au cœur de cette machine alternative que George Hurchalla tente de nous plonger.

Comme beaucoup d’autres, George Hurchalla fut intrônisé au sein du mouvement punk au début des années 80, par son grand frère lorsqu’il parti à l’université sur la côté Ouest de la Floride. A quatorze ans, le jeune américain découvre cette musique « violente » venue d’outre atlantique, les Sex Pistols et ne lâchera jamais cette passion pour le mouvement le plus créatif de la musique moderne. George Hurchalla nous décrit son parcours au sein de la scène punk américaine et s’attache à nous faire partager uniquement ce(ux) qu’il a connu au travers d’une approche très pragmatique. Nous dévoilant les liens intimes entre chaque artiste et groupe de la scène locale américaine, George Hurchalla a réussi à regrouper des données documentaires d’une incroyable précision, que ce soient des détails historiques sur les lieux, les groupes, les analyses de textes ou les photographies originales présentes dans ce livre.

Going Underground est un ouvrage destiné principalement aux personnes les plus averties. Les références y sont très nombreuses et il vous faudra vous armer de patience pour connaitre l’ensemble des acteurs mis en avant dans ce livre. Ce qui frappe au travers de Going Underground, c’est ce sentiment d’authenticité permanent, loin des redites et des stéréotypes dégagés par la plupart des ouvrages dédiés au mouvement punk. Going Underground tient parfaitement cette promesse de nous emmener « au cœur de la bête », en s’attachant à nous faire découvrir ce que nous n’avons pas pu vivre (trop jeunes, trop éloignés des USA, …) au travers du regard d’un véritable acteur de ce mouvement musical. Il n’est pas question de nous présenter une nouvelle fois les success story des Sex Pistols ou des Ramones mais véritablement de nous accompagner au sein d’un vivier musical dont les principaux groupes sont aujourd’hui tombés dans l’oubli.

Pour résumer en quelques mots, ce livre est excellent et nous offre une vision authentique d’un mouvement musical dont la critique a, souvent à tort, dénoncé la trivialité. Going Underground est un ouvrage indispensable.

Vous pouvez vous procurer Going Underground
sur le site des éditions Rytrut pour seulement 21 €

– Cap’tain Planet, Vacarm.net

Interview de George Hurchalla, Going Underground, punk américain 1979-1992, par Sim Buen, Slime Zine n°2 mai 2010

GOING UNDERGROUND – punk américain 1979-1992
GEORGE HURCHALLA

Interview de GEORGE HURCHALLA
par Slim Buen, SLIME Zine n°2, France, mai 2010

« Going Underground » de Georges Hurchalla fait partie des bouquins les plus excitants que j’ai eu l’occasion de lire durant l’année 2009. Ecrit simplement avec une totale dévotion, il nous asperge de références et nous plonge directement dans l’ambiance des concerts punk/hardcore et de la culture Do It Yourself pendant les années quatre-vingt. On explore, grâce à son vécu et à ses nombreuses recherches les recoins de l’underground américain. Il répond à toutes mes questions à « phrases multiples » en un temps record sans rechigner car comme il le dit « je suis quelqu’un de consciencieux ». Merci George pour ta sincérité et ton attitude exemplaire ! Pour plus de détails lire la chronique de « Going Underground » dans la rubrique « Papers ». par S.B.

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1) D’où viens tu ? Où as-tu grandi ? Quels ont été tes premiers contacts avec le punk ?

Je suis né à West Palm Beach en Floride et j’ai été élevé à Stuart, une petite ville à peu près 40 miles plus au Nord. Ma grand-mère maternelle a déménagé à Miami depuis la Georgie lorsqu’elle était enfant en 1925 et s’est mariée avec un immigrant Danois, Henry Reno qui travailla pendant 40 ans pour le Miami Herald comme reporter spécialisé dans le crime. Ma grand-mère Jane Wood Reno était une sacrée aventurière et une des premières journalistes prise au sérieux en Floride. Elle a toujours été du côté des opprimés et c’était un personnage coloré et exorbitant. Elle a donc eu l’influence la plus profonde sur la personne que je suis devenue. J’ai vite été excité par l’attitude et l’agression de la musique des Sex Pistols lorsque je les ai entendus pour la première fois en 1980. Le punk avait une attitude et un côté agressif complètement différent de celle des dinosaures du rock et du classic rock que j’avais l’habitude d’écouter. Ça a été un de mes premiers exutoires pour exprimer mon individualisme parce que jusque là, j’avais traversé le lycée tel l’homme invisible ! A cette époque, ma réaction envers la mode était de paraître pour la personne la plus morne que l’on puisse imaginer, en m’habillant de façon très ennuyeuse, du marron et du vert et être totalement « anti-mode ». Le punk m’a donné une chance de me rebeller d’une manière plus colorée, en choquant avec mon t-shirt Sex Pistols à l’école. J’admirais tellement mes parents que je ne pouvais pas me rebeller contre eux, mais il y avait plein de choses dans la société traditionnelle que je détestais. Aujourd’hui, je ressens encore exactement la même chose lorsque je suis entouré de monde et que je vois le même style de personnes personnifiant cette Amérique traditionnelle. Je continue à me demander « qui sont ces individus? Et comment c’est possible que je puisse vivre dans le même pays qu’elles ? ». Mon truc, c’était de provoquer n’importe quel type de réaction chez ces personnes, les emmerder.

2) Apparemment, ton travail sur Going Underground aurait duré presque six ans. Depuis quand cette idée germe-t-elle au fond de toi ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ? Qui ont été tes gros soutiens ? T’es-tu souvent autocensuré ?

J’ai commencé en 1988 alors que je faisais un boulot de merde en équipe de nuit, en tant que gardien de loge de communauté à Lake Tahoe en Californie. J’avais amené mon ordinateur au travail afin de pouvoir écrire tous mes souvenirs de manière à me soulager de l’ennui. Ça m’a tellement motivé que je suis devenu un gardien minable. Je saluais de la main tout le monde, peu importe qui ils étaient parce que je ne voulais pas être dérangé. A cette époque, je ne savais pas grand chose mais ça me suffisait, pas de prise de tête ! La partie la plus difficile fut d’accepter que le peu que je connaissais et un mémoire sur ma vie n’intéresserait en fin de compte personne. C’est à ce moment là que j’ai sérieusement pensé à changer tout ça en histoire et à faire des recherches et des interviews. En fin de compte, j’ai juste gardé des petites parties du mémoire pour donner au livre un flot narratif. Ma motivation était que j’étais dégoûté que les média de musique grand public ne parlaient jamais de ce qui avait apporté le changement dans le rock des années 90, ce qui avait créé le genre « alternatif ». Ils auraient du admettre qu’ils avaient eu la tête dans le cul pendant toutes les années 80 ! Ça a pris six ans parce que je ne pouvais pas me permettre de le sortir moi-même, jusqu’à 2005. Une version basique du livre était prête à être publiée dès 2001 bien que j’ai retravaillé dessus énormément après. Avec du recul, c’est plus devenu un document pour l’underground, pour ceux qui en font partie maintenant autant que pour ceux qui en ont fait partie dans le passé. Alors, au final peu importe ce que les médias grand public en pense. Un jour, alors que j’interviewais Superchunk et que je leur demandais ce qu’ils pensaient de ce genre de magazines qui ignoraient si bien l’underground, Mac m’a éclairé là-dessus. Il m’a dit que ce sont des magazines commerciaux dont le seul but est de vendre un produit. C’est leur truc donc on en peut pas leur mettre la faute dessus juste parce qu’ils écrivent de la merde et qu’ils sont ignorants ! Ils sont ce qu’ils sont… Ma plus grosse difficulté était le manque de contacts dans le monde du punk. Je ne savais pas comment rentrer en relation avec les gens. C’était avant Facebook et tous ces sites de réseaux sociaux qui ont facilité la recherche et les connections. Je travaillais de manière très isolée avec peu de soutien. En ce qui concerne l’auto-censure, je l’ai juste fait en supprimant des trucs sur moi car il y en avait trop, de manière à privilégier les histoires des autres qui à mon avis étaient plus intéressantes.

3) En quelle année est sorti Going Underground aux Etats-Unis ? Comment a-t-il été accueilli ? Quelles ont été les premières réactions des personnes, des groupes et des activistes que tu cites ?

La première édition de Going Underground est sortie en 2005, un tirage de 1000 copies. Je pensais que j’aurais de la chance si j’arrivais à tous les vendre et que ce serait un gros succès si ça arrivait. Ça m’a mis sur le cul de voir qu’ils étaient tous partis en six mois, et ce uniquement grâce à mes efforts et le réseau underground. J’étais l’écrivain, l’éditeur, l’attaché de presse, je devais tous faire moi-même. Les réactions furent incroyables, je ne pouvais pas m’imaginer que les gens allaient réagir si bien au truc. A ce moment là, je ne m’étais jamais senti aussi bien de ma vie en ce qui concerne une chose que j’avais fais moi-même. Ça a pris du temps pour que certaines des personnes citées dans le livre en apprenne l’existence, beaucoup d’entre elles ne le savent d’ailleurs toujours pas. Mais la plupart de ceux qui sont au courant ont pensé que c’était la meilleure chose qu’ils avaient lu sur le sujet.

4) J’aime bien le côté autobiographique, découverte et apprentissage… En littérature on pourrait presque parler de parcours initiatique… Quels sont les auteurs/livres que tu affectionnes ? Avais-tu des modèles précis en tête ?

J’aime beaucoup d’auteurs différents mais très peu ont eu une influence directe sur mon écriture. Concernant les auteurs du siècle dernier, je pourrais citer GK Chesterton, Graham Greene et Geoffrey Household (Je pense que je dois aimer les auteurs qui comme moi ont un nom qui commence par la lettre G !) et ensuite, pour la deuxième partie du siècle, j’aime les auteurs très imaginatifs comme Kurt Vonnegut, Romain Gary et Tom Robbins. J’adore aussi les grands conteurs d’histoire plus que tout, je préfère les belles histoires à la grande « littérature », c’est ce qui m’a le plus influencé. J’ai lu aussi beaucoup d’autobiographies où les auteurs ont une grande histoire à raconter et peu importe si ils n’ont jamais rien fait d’autre de valable par la suite. Cette dernière justifie à elle seule leurs existences. Biscuit des Big Boys disait la même chose à propos des groupes punk, presque chaque groupe avait une bonne chanson qui justifiait le fait que ces groupes se soient formés.

5) Comment s’est passé le contact avec Rytrut Editions ? Y’a t-il d’autres projets de traductions pour l’étranger ? Peux-tu nous parler de Zuo Press ?

Thierry de Rytrut m’a contacté. Il avait traduis le livre de Craig O’Hara La philosophie du punk et Craig m’avait dit qu’il avait une bonne réputation. Thierry a fait un travail incroyable avec le bouquin et pour tout dire, je suis jaloux de l’édition française car je pense qu’il a produit un meilleur livre que n’importe laquelle de mes éditions en anglais. Le papier glacé rend vraiment justice aux photos. Personne d’autre n’a montré de volonté de le traduire mais j’adorerais qu’il soit disponible en japonais. En fait, il est maintenant sold-out en anglais parce que je ne peux plus me permettre de continuer Zuo Press et je n’ai pas trouvé d’autre éditeur. J’avais fondé Zuo Press juste pour ce livre et espérais sortir d’autres publications, mais puisque j’ai déménagé au Mexique en 2007, ça s’est révélé impossible pour moi de m’occuper d’une boîte d’édition basée aux States, et je ne peux pas employer quelqu’un pour m’aider.

6) Tu racontes les premières tournées aux Etats-Unis de groupes anglais comme The Damned, The Clash, UK Subs ou encore un peu plus tard The Exploited. Quels étaient les rapports avec les groupes américains et selon toi les grosses différences entre les deux ?

Ça variait d’un groupe à l’autre. Les Damned s’entendaient très bien avec les punks américains et adoraient tout ce qu’il se passait aux Etats-Unis. Mais je pense que les Damned étaient beaucoup moins imbus de leur personne que les Pistols ou les Clash et qu’ils avaient beaucoup plus un esprit punk underground. Les Damned ont essayé de faire tourner les Bad Brains avec eux au Royaume-Uni parce qu’ils les adoraient. Ils ont aussi permis aux Misfits de tourner avec eux. Les Clash ne cherchaient pas à sympathiser ou à aider les jeunes groupes punk américains. Les UK Subs s’entendaient aussi très bien avec les groupes américains, contrairement à The Exploited. En général, les groupes anglais avaient l’habitude de jouer devant plus de public et ne considéraient pas que le punk soit aussi « important » aux Etats-Unis que chez eux. Trop de groupes anglais voulaient être des rock stars, alors que la plupart des groupes américains pensaient qu’il n’y avait aucune chance qu’une telle chose leur arrive.

7) Quels sont tes meilleurs souvenirs live, les plus impressionnants, atypiques ? Cinq groupes et cinq albums de cette époque qui t’ont le plus marqués ? Dans quel groupe aurais-tu-tu rêver de jouer ?

Ah, je parle de tout ça dans le livre ! La première fois que j’ai vu les Dickies en 1983, le concert d’adieu de Marginal Man en 1988, la première fois que j’ai vu Bad Brains en 1985. C’est juste quelques exemples parmi plein d’excellents souvenirs. Aussi, le premier concert Hardcore auquel j’ai assisté en 1983 avec à l’affiche Necros, Void, etc, juste pour le simple plaisir de voir tous ces punks et toute cette intensité pour la première fois. Je ne sais pas trop lesquels seraient les plus atypiques, peut-être en 1985 quand j’ai été obligé de partir avant la fin du concert des Dickies au CBGB pour éviter de mettre une raclée à un skinhead stupide et éviter que tous ses potes me tombent dessus après. C’est à ce moment là que j’ai réalisé que s’éloigner un peu trop de « l’uniforme» standard punk pouvait amener pas mal de problèmes ; Bad Brains : The Roir Sessions. Husker Du : Metal Circus. Government Issue : Joyride. The Hated : demo cassette. Marginal Man : Identity. J’aurais adoré jouer dans tous les groupes que j’aime, je ne saurais lequel choisir plus qu’un autre.

8) Même si on parlait de musique et d’attitude punk, le publique, les looks, groupes, étaient très variés au début des années quatre-vingt. Entre Hüsker Dü, Minutemen, Naked Raygun, Big Boys, S.S.D., Misfits, Descendants, Bad Brains… chaque groupe avait sa propre identité et son propre univers. Tu parles de l’arrivée de nouveaux mouvements comme le Straight Edge ou de courants musicaux comme l’emo ou le crossover par exemple. La scène originelle dont il est question au début du livre s’est segmentée petit à petit. Depuis, on parle de scremo, crust , sludge, post-hardcore, street-punk, pop-punk, post-punk, trash-core, garage-punk… les étiquettes ne manquent pas… Que penses-tu de toutes ces descendances du genre ?

Le truc avec tous ces styles, c’est qu’ironiquement, à l’intérieur de chaque genre trop d’entre eux sonnent pareil. Lorsqu’il n’y avait pas de séparation de styles, d’étiquettes, les gens se sentaient libre d’être qui ils veulent, plus personnels. Il y a tellement de chansons pop punk qui sonnent exactement pareil. Tous ces vieux groupes à forte identités avaient des styles de chants uniques et charismatiques. Ça s’est perdu avec le temps chez les nouveaux groupes.

9) La violence et les bastons étaient monnaie courante pendant les concert et tu cites d’ailleurs beaucoup d’exemples… Même en France, ceux qui allaient aux concerts dans les années 80 diront la même chose. Qu’est-ce qui à changé selon toi ? Crois-tu que l’on pourrait assisté à nouveau à une généralisation de ce phénomène pendant les concerts ?

Tu veux dire qu’il y a moins de bastons maintenant ? D’après les concerts auxquels j’ai assisté, je dirais qu’il y a autant de violence qu’avant, et c’était même pire dans les années 90. Le punk a attiré les mauvaises personnes qui se sont retrouvés dedans juste à cause de l’image violente et superficielle. Le fait que le punk devienne populaire a engendré encore plus de violence. Je ne pense pas qu’un mouvement underground comme le punk dans les années 80 pourrait émerger à nouveau parce qu’il y a aujourd’hui trop d’informations sur la musique, les scènes, pour que les gens recherchent vraiment l’intensité et la passion qu’on pouvait trouver à l’époque. Quand tout est à portée de main de nos jours, découvrir quelque chose par soi-même demande beaucoup d’audace et de mystère.

10) Tu insistes beaucoup sur l’importance des fanzines à l’époque comme Flipside, Big Takeover et Maximum Rock’n’Roll qui ont servi de ciment entre tout ces groupes qui se formaient et le publique. Quel est ton opinion sur les webzines et plus généralement sur la diffusion sans limite sur internet (blogs, podcats, wikipédia…) . Crois-tu qu’un fanzine papier de nos jours est plus anecdotique qu’autre chose ?

J’adore les webzines, ça m’a permis de trouver des choses sur Guerilla Urbaine et l’interview de Frank Discussion par Raf. Je n’aurais jamais pu trouver ça ailleurs. L’information sans limite est une chose merveilleuse, c’est juste un peu intimidant d’avoir à filtrer tout ça. Les zines papiers semblent avoir de moins en moins d’impact parce que tout est de plus en plus lié de manière nationale et internationale. Les zines papiers étaient plus adaptés à une époque où il y avait de fortes scènes locales autour desquelles ils pouvaient s’articuler, ou quand il n’y avait pas d’Internet.

11) Tu écris que beaucoup de groupes adhéraient au circuit D.I.Y car c’était leur seul moyen de jouer. D’autres en ont fait leur leitmotiv… Qu’est-ce que représentait le D.I.Y pour toi ?

Au tout début, le DIY n’était pas un truc sur lequel on réfléchissait, c’était aussi naturel que de respirer. Soit tu faisais quelque chose toi-même et ça t’apportait autre chose ou tu ne faisais rien et ne récupérait rien. Personne n’allait t’amener le punk rock sur un plateau d’argent, tu devais faire les choses. C’est seulement quand le grand public a commencé à s’intéresser aux groupes underground que certains groupes ont délibérément choisi de continuer à faire les choses eux-mêmes et de maintenir un contrôle total sur leurs vies. Pour moi, c’est ce que cela représente, le contrôle de sa vie. Tout ça demande une grosse somme de responsabilité personnelle, tu ne peux pas t’en prendre à une « autre » personne ou organisation si tu produits quelque chose de merdique. En ce qui concerne mon livre, je suis vraiment content qu’il ait été réalisé de manière totalement DIY parce qu’il n’aurait jamais ressemblé à ce que je voulais si j’avais confié les choses à quelqu’un d’autre. J’étends ce concept à d’autres choses dans ma vie, autant que je peux, comme réparer moi-même, construire des choses et essayer au minimum de dépendre des autres.

12) J’ai lu que l’on t’as reproché d’avoir oublié certains groupes comme 7 Seconds ou Screeching Weasel, je pense aussi à GG Allin. Quelles ont été les raisons de faire des impasses ou des raccourcis sur tel ou tel groupe ?

J’ai toujours voulu inclure 7 Seconds dans la deuxième édition mais je n’ai jamais trouvé la place de les caser. J’en parle comme de l’inspiration du genre « positive punk » dans lequel se trouvait tous ces jeunes en Iowa, mais je n’ai jamais pisté Kev Seconds pour pouvoir lui parler. Il y a beaucoup de groupes dont je n’ai pas parlé, rarement de manière volontaire, il n’y avait juste pas la place pour tout le monde. Poison Idea est une omission flagrante parmi tant d’autres et je ne savais rien de leur histoire. Screeching Weasel, eux, ont semble-t-il eu assez de presse et je me suis dis que ne pas les inclure ne serait pas dramatique puisque Ben a écrit un livre. Ils auraient sûrement dû avoir leur place dans le livre mais j’ai préféré parler du développement de la scène pop punk en me concentrant sur ce qu’il s’était passé dans l’East Bay. C’était difficile pour moi de parler d’un groupe sans les relier à une scène. On peut dire que j’ai sacrifié Screeching Weasel au profit de Out Of Order qui étaient moins connus mais qui s’incluaient parfaitement dans ce que j’écrivais sur Chicago. Je ne me suis jamais intéressé à G.G. Allin et au genre « shock punk ». J’ai aussi mis de côté les Meatmen qui auraient sûrement mérité plus d’attention car Tesco était un sacré personnage.

Je peux te raconter une petite histoire à propos de G.G Allin, c’est ma copine qui me l’a raconté la semaine dernière. Un jour, elle était au Cat Club à New York qui se trouvait près de son appartement et G.G. Allin jouait ce soir là. Elle m’a dit que pendant la balance il a commencé à sortir sa bite comme d’habitude et ce fut quelque part une expérience traumatisante puisque c’était le bite la plus moche et la plus petite qu’elle ait jamais vue ! Un vrai asticot ! Plus tard, alors qu’elle se trouvait avec une amie dans les toilettes des filles, G.G. les a suivies. L’amie de ma copine, assise sur les toilettes commença à lui crier dessus pour qu’il se casse mais il restait là et dit : « Qu’est-ce que vous avez pour moi les filles ? ». L’amie de ma copine répondit : « Juste un tampon plein de sang ! ». Ma copine pensa que c’était une réponse marrante même si elle savait que ça intéresserait G.G. au lieu de le repousser. Elle ne croyait cependant pas que sa copine avait vraiment un tampon plein de sang. G.G. dit : « Donne-le moi! ». La fille lui donna en sortant des toilettes et G.G. L’a tout simplement mangé devant elles !

13) Tu parles du skate et du surf comme d’une culture proche de celle du punk rock à l’époque. Qu’est-ce que le skate a représenté pour toi ?

Je skatais avant de m’intéresser au punk rock alors je ne voyais pas forcément de connexion entre les deux, ni même avec le surf. D’autres personnes faisaient le lien mais je pensais que le sport devait être pris pour ce qu’il est, du sport et ne pas se mélanger au punk. J’adorais le skate et le punk rock mais je voyais ces phénomènes comme deux cultures complètement différentes.

14) Que penses -tu des jeunes groupes qui veulent sonner comme leurs aînés ,comme à l’époque, comme en 1982 par exemple ?

Je n’ai rien contre les groupes qui imitent ceux qui les ont précédés, la plupart le font. La chose importante est de ne pas les copier aveuglément et être sûr de mettre sa propre marque. C’est comme le film Where the Wild Things Are, Maurice Sendak était fier que Spike Jonze reste fidèle au livre tout en faisant quelque chose de nouveau et différent. Les Hollowpoints ont vraiment essayé de sonner comme en 1982 sur un titre comme The Sickness, mais c’est une des meilleures chansons que j’ai entendu ces cinq  dernières années, ça sonne frais.

15) Les années Reagan sont réputés pour avoir été des années très dures aux E-U. D’ailleurs énormément de groupes Punk/HC y font référence. On entend souvent que les années Bush, ont été encore pires… Qu’évoque pour toi l’arrivée d’Obama ? Chez Slime, on aime bien la science-fiction… et si il avait été élu en 1981 ?

Wow, ça c’est une sacrée question ! John Hinckley aurait peut-être tué Obama au lieu d’essayer sur Reagan. Quelqu’un aurait essayé de tuer Obama. Le pays n’aurait pas été près pour lui à cette époque. Les Etats-Unis semblent déjà à peine prêtes pour lui en ce moment.

16) Tu as été DJ pour des radios, tu dois avoir une bonne collection de disques ? Tu continues d’acheter des disques ? Quels sont les groupes plus ou moins actuels que tu affectionnent ? Quel rapport as-tu avec le téléchargement ?

J’ai une collection de disques plutôt importante, mais j’ai jamais été un collectionneur sérieux. Je n’achète plus de vinyles, juste des Cds de temps en temps. J’aime tout type de trucs. Lorsque j’ai demandé il y dix ans à Sean Forbes de Wat Tyler quels étaient ses disques préférés de l’année, il m’a répondu Belle & Sebastian et Dillinger Four, des groupes auxquels je me suis intéressé quelques années après, aussi différents soient-ils l’un de l’autre. J’écoute pas mal de ska international comme Tokyo Ska Paradise et Los de Abajo du Mexique. J’ai trouvé de super groupes des années 90 dont je n’avais jamais entendu parler à l’époque, comme Gaunt, un groupe de garage pop/punk de Columbus dans l’Ohio. J’ai trouvé les deux derniers Buzzcocks fantastiques, aussi bon que les trucs qu’ils ont fait dans les années 80. J’ai aussi beaucoup aimé certains groupes punk féminin de ces dix dernières années comme The Dents ou The Epoxies que j’ai adoré. Quoi d’autre ?… Hot Snakes, Knockout Pills… Plein de trucs différents. Je télécharge pas mal de trucs sur les blogs, c’est la seule façon pour moi de trouver les raretés épuisées. J’aime soutenir les groupes en achetant leur musique mais je ne suis pas toujours aussi bon que je le voudrais là-dedans. Mon frère ne tolère rien qui ne soit pas au moins de la qualité du CD, alors je trouve des choses à travers le téléchargement, je lui fais découvrir et il les achète en CD. De cette façon, j’ai meilleure conscience.

17) Tes projets pour le futur ? Où en est ton livre sur le punk rock féminin ?

Ça fait plus d’un an que je n’ai pas travaillé sur ce livre. Je ne sais pas trop quel sera son avenir. C’est difficile de pouvoir publier quelque chose de nos jours, j’ai 60 pages de super contenu mais je dois travailler encore beaucoup plus dessus. C’est difficile de trouver la motivation quand on n’a pas la garantie d’un éditeur.

18) Apparemment tu vis au Mexique maintenant. Quant as-tu quitté les USA ? Comment se passe la vie là-bas ?

J’ai quitté les USA en 2007. Le Mexique est fantastique. Je vie principalement à l’extérieur, ce qui me rend très heureux. Je souffre un peu du manque de culture là où je vis, mais j’arrive toujours à pas mal voyager. J’étais il y a peu de temps à Montréal durant cinq jours, ça m’a fait du bien, je ne me doutais pas à quel point cette ville était française. Je le savais en théorie mais je n’y étais jamais allé avant et j’ai dû me rendre compte par la force des choses que je ne savais vraiment pas parler le français.

19) Question à 100 000 dollars ! Tu peux me citer trois groupes français ?

Johnny Hallyday, Edith Piaf et Carla Bruni ! Hahahaha, je plaisante. Je dirais Burning Heads, ISP, Nine Eleven, New Rose Hotel, Les Thugs, Manu Chao, Bad Brains (un groupe français du début des années 80 dans lequel jouait Christian du groupe australien Happy Hate Me Nots avant qu’il ne déménage en Australie.) Bon, j’avoue, pour les quatre premiers groupes, je les connais juste parce que Raf m’a posé la même question il y a quatre ans et qu’il m’en a parlé.

20) Le mot de la fin…

Vous êtes la carotte ! (en français dans le texte), ma phrase idiote préférée du film La Haine, mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment ça…

Going Undergorund, par Georges Hurchalla, Rytrut éditions, 2009